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Visite à ma ville natale

Roubaix est à la métropole lilloise ce que Griffintown est à Montréal : ancien pôle dynamique de l’industrie régionale aux XIXè et XXè siècles, la ville nordiste ne peut plus vivre des activités qui ont fait sa richesse et est aujourd’hui confrontée à des enjeux de reconversion.

Pendant presque deux siècles, Roubaix a été l’une des villes lainières les plus importantes d’Europe, voyant s’y côtoyer, rivaliser et se succéder de grandes familles d’entrepreneurs, et marquée par une forte tradition ouvrière et syndicale qui s’est perpétuée d’années en années.

Dès la première moitié du XIXè siècle, celle que l’on surnommait autrefois « la ville aux mille cheminées » a ainsi vu s’élever de nombreuses usines dont l’architecture monumentale témoignait de la puissance des industriels. La plus impressionnante est sans doute la filature Motte-Bossut érigée dans la deuxième moitié du XIXè siècle, véritable château de l’industrie textile, qui abrite depuis 1993 les archives nationales du monde du travail.

Cité industrielle bâtie au cours des deux derniers siècles, Roubaix a cependant dû faire face à la crise des années 1970. Les ouvriers ont quitté leurs postes, les usines se sont vidées, et dès lors leur reconversion est un enjeu qui préoccupe autant les habitants, que les responsables politiques ou les artistes.

En effet, si la situation économique et sociale de la ville est aujourd’hui très précaire, les bâtiments (courées, usines et lieux de loisirs) sont restés et Roubaix regorge de multiples vestiges issus de ses années de développement. Elle possède un patrimoine industriel très riche mais parfois très délabré, et il existe depuis quelques années de nombreuses initiatives pour le conserver.

L’une d’entre elles est le projet lancé en 1990 par le Conseil municipal et de la Direction des musées de France, de transformer l’ancienne piscine municipale en musée. Ce magnifique bâtiment art-déco construit entre 1927 et 1932 selon les plans de l’architecte lillois Albert Baert, alors que Roubaix était encore la capitale du peignage et du délainage, est un chef d’œuvre. Confiée à l’architecte Jean-Paul Philippon, sa restauration a abouti à l’ouverture, en 2001, du Musée d’Art et d’Industrie André Diligent. Le musée, qui fête ses dix ans aujourd’hui, respecte l’âme du site: l’ancienne piscine (en fonction jusqu’en 1985) est restée une piscine. L’eau est toujours là, les anciens vestiaires, les cabines de douche et les salles de bains publics aussi, et il n’est pas difficile de s’imaginer l’ambiance qui régnait dans ces lieux au plus fort de leur fréquentation passée.

Roubaix — La Piscine

En outre, les expositions que le musée présente et les évènements mensuels qui y sont organisés évoquent le passé industriel de la ville. Qu’il s’agisse de peintures, d’échantillons textiles, de sculptures, de mobilier ou de photographies, tous gardent la mémoire du savoir-faire des filatures de Roubaix. Ainsi, en tissant des liens entre le textile et la mode, les arts plastiques ou le design, les collections d’art et d’histoire, exclusivement consacrées aux XIXè et XXè siècles perpétuent l’âme textile de la ville.

Plutôt que d’oublier son passé, Roubaix a donc choisi de valoriser son patrimoine industriel. La Piscine est un bel exemple de reconversion, une réussite architecturale et sociale, puisque, à la fois lieu de création et de mémoire, faisant interagir art et industrie, sa personnalité colle avec celle de la ville qui l’héberge.

Griffintown Roubaix