Souvenir de Détroit
Je suis fascinée par les grands centres industriels.
Je suis fascinée par ces régions et ces villes ouvrières européennes qui, propulsées par la Révolution Industrielle, ont fait la puissance de grandes familles et de leur pays. Mines de charbon, usines textiles et autres installations portuaires leur ont offert de glorieuses décennies au cours du XIXè siècle.
De Liverpool à Manchester, en passant par Anvers ou Roubaix où je suis née, je suis fascinée par l’âme qui habite ces lieux, par leur histoire, leur patrimoine et leurs habitants.
Je suis fascinée par ces villes qui après la désindustrialisation, ont su faire preuve de créativité et d’ingéniosité pour réussir à se reconvertir. Malgré le chômage et un certain déclin, leur reconstruction en villes d’affaires, centres de la culture contemporaine ou autres pôles touristiques, tout en conservant leur caractère industriel, est admirable.
D’une époque plus tardive et sur un autre continent, Détroit fait partie de ces anciens géants industriels. À Détroit, j’y suis passé deux fois, avant et après 2008.
Sentiments étranges. Mitigés. Détroit, je l’ai appréhendée, je m’en suis méfiée, et je l’ai tout de suite aimée.
À l’instar des grandes capitales industrielles européennes, Détroit est riche par son histoire. Capitale mondiale de l’automobile pendant toute la première moitié du XXè siècle, Motor City, fief des géants GM, Ford et Chrysler, est pourtant devenue en cinquante ans une ville fantôme.
L’un des souvenirs que je garde de mes passages à Détroit, cette ville organisée par et pour l’automobile, c’est celui de cet homme désabusé, qui, dans un autobus équipé d’un porte-vélos, entamait son voyage quotidien vers son lieu de travail, situé à 1 heure du centre-ville.
Car Détroit n’a pas réussi à se remettre du déclin de l’industrie automobile amorcée dès les années 1950, et compose depuis avec la pauvreté et l’insécurité. Détroit n’a depuis longtemps plus rien à offrir et plus personne ne veut plus y vivre. Immeubles et maisons abandonnés, centre-ville déserté et sinistre…: alors que l’exode rural avait apporté à Détroit toute sa puissance, le nombre de ses habitants s’effondre constamment depuis les années 1950 et Détroit a subi un exode urbain sans précédent.
Détroit est délaissé, y restent ceux qui n’ont déjà plus rien.
Mais Détroit n’est pas morte. Un autre jour, j’irai la voir renaitre.
Détroit, mai 2009
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